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Ohayou
Juin 2024

A 6 h 30 du matin mon téléphone explose littéralement. Il se met à vibrer comme je ne l’ai jamais vu vibrer tout en poussant un cri puissant et répété : « Earthquake, Earthquake, Earthquake… « . C’est mon huitième voyage au Japon et c’est la première fois que cela m’arrive. Bien entendu il y a déjà eu des tremblements de terre dans le pays pendant que j’y étais, mais j’étais toujours ailleurs au moment du séisme. J’en ai évité un de peu lors de mon premier séjour ; à la dernière minute, j’ai modifié mon itinéraire et j’ai repoussé mon séjour à Osaka de trois jours. Le lendemain la terre tremblait dans la ville, tuant trois personnes et faisant de nombreux dégâts.

Cette fois j’y suis, l’alerte a sonné sur tous les téléphones et j’entends dans le couloir des gens qui sont sortis. Ce sont probablement les employés de l’hôtel qui s’apprêtent à commencer leur travail. Ils parlent japonais, calmement, je n’entends aucune angoisse dans leur voix. Je suis rentré à trois heures du matin, je dormais profondément, je commence à réaliser ce qui peut se produire d’un instant à l’autre.

Je pense au Big one, celui qui doit venir dans les 15 prochaines années avec une probabilité de 90%. Personne ne sait quand la faille de Nankai près de Tokyo va bouger comme le 19 mai 1924, lors du grand séisme du Canto qui avait fait 120.000 morts. Lorsque cela arrivera, et cela arrivera forcément, les autorités japonaises estiment que grâce à la prévention et à l’éducation de tous les Japonais à se préparer à cette catastrophe, le nombre de victime devrait se limiter à 200.000 morts. Mais comment garantir un tel chiffre dans un région où vivent 42 millions de personnes ?

Map:LincunArea:Pekachu, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

Je sais qu’en cas de séisme il ne faut pas sortir si on se trouve dans un bâtiment moderne, ils sont conçus au Japon avec des procédés antisismiques de pointe. En revanche, lorsque l’on est dans une demeure ancienne, il faut sortir le plus vite possible et s’éloigner le plus possible des bâtiment environnants. Si ce n’est pas faisable il faut tenter de se mettre dans un endroit peu exposé à ce qui pourrait tomber sur vous.

Je reste allongé dans mon lit, je regarde le plafond et j’attends la secousse. Rien ! Sur l‘écran de mon téléphone un message en japonais est affiché ; je ne pense même pas à le copier pour le traduire, je me dis simplement que je suis incapable de lire ça. Toujours rien ! Je suis presque déçu de ne pas connaître cette sensation que l’on m’a décrite comme terrifiante à partir d’un séisme de force 5 sur l’échelle japonaise de Shindo qui en compte 7. Mais je pense aux victimes et au dégâts, je pense à mes amis et je forme le vœu que rien n’arrive.

J’entends les voix dans le couloir qui parlent d’une manière enjouée, ils consultent les informations et doivent avoir appris que c’était une fausse alerte ou que simplement nous sommes trop loin de l’épicentre pour ressentir quelque chose. Je comprends que rien ne se passera et je me rendors.

Le lendemain je pense avoir rêver bien entendu, mais en consultant mon téléphone je vois immédiatement l’alerte info du Japan Times : « Puissant séisme de force 5 dans le nord de la péninsule de Noto ». C’est à 300 kms à l’ouest de Tokyo, au nord de Kanazawa où je vais en fin de semaine. C’est aussi la région où un séisme de force 6 supérieure à fait plus de 200 morts le 1er janvier de cette année. Des milliers de gens vivent toujours dans des abris assez précaires cinq mois plus tard, ce qui vaut au gouvernement japonais d’être violemment critiqué par la population estimant qu’il n’y pas assez de moyens pour aider ces gens et qu’il y en a trop pour préparer l’exposition universelle d’Osaka qui aura lieu l’an prochain.

Vivre à quelque mois d’intervalle une pareille frayeur doit vraiment être terrible mentalement. J’envoie des messages à mes amis de Kanazawa pour savoir si tout va bien. Non je n’ai pas rêvé, la terre a bien tremblé sérieusement puisqu’elle a déclenché l’alerte jusqu’à Tokyo. Le poisson-chat géant qui vit sous le Japon s’est agité et a fait peur à des millions de gens mais n’a causé heureusement aucun victime et très peu de dégâts. En attendant le prochain frisson de cet animal mythique qui expliquait dans les temps anciens les mouvements féroces de la terre au pays du soleil levant.

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大鯰
Ōnamazu – gros poisson-chat.

大鯰 est un poisson-chat mythologique de taille gigantesque qui, selon la légende, vit sous le Japon. Il est contrôlé par Takemikazuchi le dieu du tonnerre qui est la déité principale de la ville de Kashima dans la préfecture d’Ibaraki.

C’est grâce à une pierre sacrée, 要石, que le poisson-chat géant est contrôlé par le dieu, mais lorsque ce dernier relâche sa vigilance, le monstre s’agite et provoque les tremblements de terre au Japon. L’association du poisson-chat aux séismes semble remonter au XVIe siècle, on le trouve à l’époque représenté sur des estampes de la région du lac Biwa près de Kyoto.

要石
Kaname ishi – pierre de la fondation.

Cette légende s’est répandue plus tard dans tout le Japon, rendue populaire par des pêcheurs d’anguilles ayant constaté qu’avant un tremblement de terre, les poissons-chats s’agitaient de manière frénétique. Mais ce récit n’est pas qu’un légende, il pourrait même être qualifié de sagesse populaire puisqu’en 1930 des sismologues japonais ont démontré que des poissons-chats gardés en aquarium s’agitaient de manière significatives plusieurs heures avant un séisme.

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