
Ohayou
Juin 2024
J’ai retrouvé un animal mythique très populaire au Japon, 竜. J’ai reçu assez tard dans la soirée un message de Yuri me proposant de la rejoindre le dimanche matin avec Hiro son compagnon. Je n’ai plus beaucoup discuté avec elle ces derniers mois. Après notre excursion à trois l’an dernier au 富士山, nous avons gardé le contact pendant le reste de mon voyage au Japon. Mais après mon retour en Europe les contacts se sont estompés pour devenir plus rares. C’est la nature même des relations épistolaires, elles tendent à se raréfier avec le temps lorsque la distance, la vie, la réalité, prennent le pas sur l’écrit.
竜
Ryuu – dragon.富士山
Fujisan – Mont Fuji.
Mais rien de tout cela de retour au Japon. Lorsque je rejoins Yuri et Hiro le dimanche matin à dix heures tapantes, ils sont tous les deux à l’entrée du temple où nous avons rendez-vous et ils me font de grands signes de la main dès qu’ils m’aperçoivent. Ils ont des sourires rayonnants et je les trouve belle et beau sous le soleil voilé par des nuages de pluie.
Nous nous sommes retrouvés au 田無神社 dédié au cinq dieux dragons. C’est un petit temple à l’ouest de Tōkyō où les touristes ne viennent pas. Il m’a fallu à peu près une heure en métro et en bus pour y arriver, une durée normale dans l‘immense Tōkyō où se déplacer est tellement facile et évident lorsqu’on a assimilé les principes de base.
田無神社
Tanashi jinja – Temple shinto Tanashi.

Créé au XIIIème siècle, le Tanashi jinja a la particularité d’être dédié à plusieurs dieux alors que la plupart des temples shinto ne sont dédiés qu’à un seul. Il revêt une importance particulière cette année puisque nous sommes dans l’année du dragon de l’horoscope chinois qui est également l’horoscope des Japonais. Le dragon n’est pas un monstre en Asie, mais bien un dieu, plusieurs dieux mêmes, annonceurs de temps meilleurs et de bonne fortune. L’année du dragon est une année d’optimisme.
Le dragon est un animal de bon conseil, qui essaie de vous aider, mais c’est aussi une force de la nature, un être très fier, qu’il convient de respecter. Il est inconcevable pour la plupart des Japonais de ne pas rendre hommage aux dragons, particulièrement lors de l’année du dragon.
Nous nous présentons à trois, Yuri, Hiro et moi devant l’autel du dragon et nous faisons ensemble des vœux à la manière shinto. Jeter une pièce de monnaie, s’incliner deux fois, frapper deux fois dans les mains, penser son souhait, saluer une fois. Je suis au milieu, Hiro a voulu que je sois à côté de Yuri, j’essaye de me coordonner avec elle. C’est un moment beau et précieux. Nous avons rendu hommage au Dragon d’or, le plus recherché, celui qui apporte la chance et le bonheur.
Ils me font découvrir ensuite le dragon bleu dont le corps dressé est un symbole de réussite, il procure le succès dans une carrière et développe les capacités, il est le printemps. Le Dragon noir, dont la saison est l’hiver, est plus petit, il est surélevé sur une pierre et son aura offre la santé et l’harmonie dans la famille. Le Dragon blanc assure quant à lui la réussite financière et le succès, il est aussi l’automne. Le Dragon rouge, celui de l’été, apporte la chance dans les situation de compétition et l’efficacité.



Le Dragon d’or, le plus important est protégé par les quatre autres aux quatre points cardinaux ; Dragon noir au Nord, Dragon rouge au Sud, Dragon blanc à l’ouest et Dragon bleu à l’est.
A la différence des dragons européens, les dragon asiatiques n’ont pas d’ailes, ils volent néanmoins grâce à leur imposante crête. J’apprends à Yuri et à Hiro qu’il y aussi moyen de distinguer les dragons chinois et les dragons japonais. Les premiers possèdent cinq doigts alors que leurs équivalents nippons n’en n’ont que trois. Entre ces deux extrêmes, les dragons vietnamiens et coréens possèdent quant à eux quatre doigts.
Dans une de leurs pattes, les dragons tiennent une boule. Ça ne vous rappelle rien ? ドラゴンボール (doragonbouru), mais oui Dragon Ball bien entendu. Les sept boules de cristal qui lorsqu’elles sont réunies en un même lieu et qu’on prononce correctement la formule magique, font apparaître Shenron, le dieu des dragons. Il exauce un vœu et un seul de celui qui l’a invoqué.
ドラゴンボール
Doragonbouru – boule de dragon.
Vous aurez évidemment remarqué que ドラゴンボール s’écrit en Katana, ce qui indique qu’il s’agit de mots provenant d’un langue étrangère. On pourrait probablement l’écrire en kanji, quelque chose comme 竜玉. Mais j’entends déjà Takachi me dire : « In this country we don’t say this ». Au Japon Dragonball se dit « doragonbouru », un point c’est tout, ça fait plus américain.
竜玉
Ryutama – boule de dragon.
Yuri et Hiro ne savent pas pourquoi les dragons ont des boules souvent lumineuses dans leurs pattes, mais j’ai trouvé l’explication depuis. En Chine, ces boules appelées des « perles de feu » ou des « bijoux de feu » symbolisent plusieurs choses et sont en fait pourchassées par les dragons.
Tout d’abord, la sagesse et le savoir. En les attrapant, le dragon apprend et devient plus sage. C’est aussi un symbole de puissance et de bonne fortune.
Ensuite, l’immortalité. En chassant les perles de feu le dragon cherche la vie éternelle ou simplement le passage à un état supérieur.
Certaines traditions y voient aussi la volonté de réunir le Ying et le Yang. Un dragon, le plus souvent associé au Yang masculin, peut trouver l’équilibre et l’harmonie en capturant une perle de feu Ying.
L’auteur de Doragonbouru, Toriyama Akiya, malheureusement décédé le 1er mars 2024, s’est bien entendu inspiré de ces mythes pour créer sa série manga devenue légendaire. Le nombre de mangas vendus est estimé à plus de 420 millions d’exemplaires. Il a dû à coup sûr réunir les sept boules de cristal et prononcer la formule magique lui permettant de faire le vœu auprès de Shenron de devenir le plus grand mangaka du monde. J’espère que les dieux dragons l’ont accueilli dans leur univers pour qu’il se repose après voir tant travaillé pour faire le bonheur de tant de lecteurs dans le monde.
Pendant ces deux heures de rencontre avec Yuri et Hiro, les dieux dragons nous ont inspirés, protégés et rendus optimistes pour l’avenir. Mes deux amis projettent de venir quelques jours en Europe en septembre, j’ai bien entendu promis de les documenter, de les aider du mieux possible. Yuri s’exclame : « ce serait génial si tu pouvais venir avec nous ». Je m’en remets aux dieux dragons pour rendre cela possible.
Dès que nous nous quittons la pluie se met à tomber, les quatre dragons cardinaux n’ont pas pu retenir les éléments plus longtemps, ils ont d’autre tâches, d’autres vœux à exaucer, d’autres amis qui se retrouvent à protéger.

